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Carburants synthétiques : l'Europe de la Zoe contre celle des Porsche

L'Allemagne a fait volte face en se positionnant contre la fin du thermique en 2035, bloquant les débats européens. Une position qui agace certaines entreprises françaises, dont les intérêts sont plutôt portés vers l'électrique.

Il se profile une nouvelle petite guerre en Europe, mais celle là est industrielle. L'UE avait pourtant bien avancé dans son dossier de mise à la retraite des moteurs à combustion à partir de 2035, sauf qu'un accord de principe entre les plus gros partis politiques allemands a conduit nos voisins à faire volte face. Finalement, devant la menace que représente le tout électrique pour leur industrie, le gouvernement d'Olaf Scholz a décidé de faire machine arrière en se positionnant contre la fin du thermique. Aux cotés des Bulgares, des Polonais et des Italiens. Certains pour des raisons évidentes d'infrastructures et de pouvoir d'achat, d'autres pour protéger le haut de gamme automobile qui se dit probablement qu'un avenir tout électrique ne fera plus autant vendre. Mais la France, elle, reste droit dans ses bottes. Et elle n'apprécie guère le changement de posture de l'Allemagne.

Tout ça pour Porsche ?

Porsche est le constructeur qui met le plus l'accent sur les carburants de synhtèse.
Porsche est le constructeur qui met le plus l'accent sur les carburants de synhtèse.© Porsche

Si l'Allemagne a décidé de se positionner contre la fin du thermique, c'est parce qu'elle espère que les carburants de synthèse auront une place majeure dans la "nouvelle" Europe des transports. "Il faut la liberté des choix de technologie. La décision sur les moteurs, c'est une question pour les clients, pour les constructeurs, et pas pour des politiques", a commenté le ministre allemand des Finances. Les carburants synthétiques suscitent en effet l'espoir, mais surtout des marques haut de gamme comme Porsche, qui a investi dans la technologie au Chili. Pour l'heure, le coût du litre est prohibitif, mais de nombreux experts, dont l'ADAC, estiment qu'il pourrait descendre sous les 2 € dans quelques années. Deux euros... hors taxes, évidemment, ce qui reviendrait à un tarif particulièrement salé en France. Et puis, ne pas oublier le problème de la consommation électrique importante de la production de ces carburants. Selon certains analystes, le rendement du puit à la roue serait de l'ordre de 10 à 15 %. Encore plus médiocre que l'hydrogène vert ! Des progrès peuvent évidemment arriver, mais cela sera-t-il suffisant ? L'idée serait déjà de mixer ces carburants de synthèse aux pétroliers (à l'image du bioéthanol dans l'E10) pour baisser facilement et assez vite le bilan carbone. Une bonne idée qui n'aura pas besoin d'attendre l'hypothétique envol de la voiture électrique pour tous.

Mais ces carburants reposent également sur l'idée que l'énergie électrique "propre" sera abondante dans les décennies à venir. Rien n'est moins sûr. Et produire du carburants synthétique avec une électricité issue du charbon ou même du nucléaire aurait tout de suite moins d'intérêt sur le plan écologique...

La France ne comprend pas

L'Allemagne agace en tout cas la France avec ce changement de position. Nos confrères de BFM citent des sources chez Valeo qui ne comprennent pas l'Allemagne : "on n’a plus besoin de gagner du temps et de grappiller 4 ou 5 ans". Les constructeurs français ont également bien investi dans l'électrique. Il faut dire que la transition vers la mobilité électrique coûte cher, et que l'industrie est une machine à l'inertie énorme qui ne goûte guère à l'incertitude. Si l'Europe change finalement d'avis et laisse la place à des moteurs à combustion aux côtés de l'électrique après 2035, c'est une frange des constructeurs qui pourraient se retrouver dans l'incapacité de répondre aux clients désireux d'acheter une voiture thermique.

"Il faut garder cet objectif. Il est très important, y compris pour nos industriels, en France, en Allemagne. si on ne garde pas cette ambition nous serons balayés sur le plan industriel et écologique (...) ce n'est pas en donnant des contre-signaux que l'on va réussir à créer cette voiture électrique accessible à tous", a expliqué Clément Beaune, le ministre français des Transports.

Journaliste automobile (et un peu bicyclette aussi). Autant passionné par la nouveauté que l’industrie ou l’environnement, mais aussi tout ce qui fera avancer la mobilité.

Publié le 09/03/2023 à 18:30
Véhicules d'occasion