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Porsche, Ferrari, Aramco: ces entreprises qui misent sur le carburant de synthèse pour l’après-2035

Certains pétroliers et constructeurs automobiles travaillent sur des carburants synthétiques pour conserver des moteurs thermiques. Un point qui fait toujours l’objet de discussion à Bruxelles dans le cadre du projet de disparition des moteurs thermiques en 2035.

C'est le coup de théâtre de la semaine. L'Allemagne, qu'on croyait acquise à la cause de la transition électrique dans l'automobile, a finalement décidé de ne pas voter pour le texte interdisant la vente de voitures thermiques neuves en 2035.

Changer de carburant, plutôt que changer de voiture

Parmi les pistes évoquées en alternative au 100% électrique, celle des carburants de synthèse revient souvent dans le débat. L'idée est assez simple: créer de quoi remplacer l'essence et le gazole, avec l'avantage sur le papier de n'avoir qu'à changer de carburant sans avoir à changer de voiture.

Un carburant de synthèse, parfois appelé "e-fuel" ou "e-carburant", se présente comme un carburant obtenu sans pétrole, via un procédé chimique à partir de matières premières contenant du carbone et de l’hydrogène. Pour le produire de manière propre, on peut par exemple recourir à de l’hydrogène vert. L'hydrogène est alors produit via une électrolyse, pour séparer l’hydrogène et l’oxygène dans des molécules d’eau, réalisée avec de l’électricité renouvelable (solaire, éolien, hydraulique…) ou faiblement carbonée avec le nucléaire. Pour le CO2, on peut par exemple réutiliser les émissions de certains sites industriels en récupérant le dioxyde de carbone.

Porsche, déjà dans la course à l'e-fuel

Mais où en est la recherche sur ces carburants "propres"? Les marques allemandes sont assez en pointe sur le sujet, en particulier avec Porsche, qui a pris une participation de 12,5% dans le spécialiste Highly Innovative Fuels (HIF) Global LLC et dispose d'une usine pilote au Chili dédiée à la production de ce carburant vert. Un site qui devait produire 130.000 litres d’e-fuel dès 2022, avec l'objectif d'atteindre 55 millions de litres en 2024, 10 fois plus en 2026. Un volume de 550 millions de litres qui permettrait d'alimenter le parc en circulation de Porsche dans le monde. De quoi ainsi fournir une alternative à ses clients, alors que la marque allemande vise des ventes à 80% composées de véhicules électriques en 2030.

"Les carburants synthétiques sont très importants pour nous permettre de réduire nos émissions de CO2. Les émissions sont bien meilleures que celles des carburants actuels, avec moins de particules et moins de NOx produits – les carburants synthétiques ont entre huit et dix composants alors que l'essence en a aujourd'hui 30 à 40 et tous ne sont pas les bienvenus", résumait récemment le vice-président de Porsche, Frank Walliser, dans les colonnes du site Automotive Daily.

Aux côtés de Porsche, on retrouve différentes entreprises du secteur de l'énergie comme Siemens energy, Enel, ou encore ExxonMobil.

Aramco prêt à embarquer Renault?

Signe que notre voisin croit bien à cette perspective des carburants synthétiques, on retrouve également de nombreux industriels allemands au sein de la eFuel Alliance, avec Bosch, ZF et l'Adac (l'association automobile de référence outre-Rhin), aux côtés du constructeur japonais Mazda et du pétrolier espagnol Repsol. Ce dernier travaille également sur le sujet avec Aramco, le géant du pétrole saoudien et prévoit une production à parti de 2024 près de Bilbao.

Une perspective intéressante pour Renault, alors qu'Aramco doit investir dans Horse, la filiale du groupe français qui doit se spécialiser dans le thermique et l'hybride.

Ferrari y réfléchit aussi

Ferrari, pas vraiment la marque la plus en avance sur son électrification, pense aussi aux e-fuels comme alternative. La marque au cheval cabré travaille avec le pétrolier Shell sur le sujet

"Nous travaillons avec nos partenaires sur les carburants synthétiques et bio, mais pour l'instant c'est tout ce que nous pouvons annoncer, comme nous sommes déjà à un stade avancé avec ce projet", annonçait le CTO de Shell, Michael Leiters, à l'occasion du lancement de la 812 Competizione en 2021, rappelle l'Automotive Daily, citant aussi Aston Martin, Bentley et BMW parmi les marques qui y voient une solution d'avenir.

La Formule 1 comme vitrine à partir de 2026

Encore à l'état de projet sans réelles certitudes, cette solution technologie est surtout très critiquée par une ONG comme Transport & Environnement. Une étude publiée fin 2021 dressait un constat assez noir du bilan carbone de ces carburants "miracles", avec des émissions d'oxyde d'azote, les fameux Nox, qui ne sont pas éliminées, et surtout une hausse des rejets d'ammoniac et de monoxyde de carbone, par rapport aux carburants traditionnels.

En attendant de se verdir réellement, les carburants synthétiques profiteront d'une vitrine importante à partir de 2026 en tant que carburant officiel de la Formule 1. Dans le cadre de son objectif de neutralité carbone à partir de 2030, la compétition reine du sport automobile doit en effet passer à un carburant 100% renouvelable dès 2026.

De quoi également encourager la hausse de la production, alors que pour le moment les volumes limités en font une solution bien plus coûteuse que les carburants traditionnels et que l'électrique.

Julien Bonnet et Pauline Ducamp